j'ai un lourd passé dans ce domaine, jugez plutôt... (extrait d'un ouvrage fantaisiste relatant mes mémoires de motard)
Un (petit) tour en side-car
Cela ce passait il y a belle lurette. Après avoir longtemps hésité entre la carrière de pilote de Grand Prix et celle de Rock Star, je choisissais la seconde voie. Mes maigres moyens financiers d'étudiant ne me permettaient évidemment pas de mener les deux de front. J'avais donc revendu, moto et équipement pour réunir le budget indispensable à l'achat du matériel musical nécessaire.
Cette entrée en matière n'a rien à voir avec le sujet mais est utile à la compréhension de la suite.
Un beau jour, pour des raisons que je ne vous détaillerais pas sinon, on ne va pas s'en sortir, je décide d'aller emprunter la bécane d'un copain. Il s'agissait d'une 600 BMW attelée à un side-car.
Pour prendre livraison de l'engin, je me rends donc en fin d'après midi chez le dit copain. Il habitait encore chez sa maman et je le trouve en compagnie d'une petite blonde qu'il me présente tout en me confiant papiers et clefs du side. Il en profite pour me faire quelque recommandations de prudence en me disant que la câble des gaz a tendance à ce coincer. Je le rassure tout de suite à coup d'arguments, genre "j'ai l'habitude des bécanes… ", "Ca fait plus de 3 ans que j'ai le permis… " Etc.
Bien entendu je n'allais pas avouer devant la petite blonde que j'étais un peu inquiet devant le poids et la puissance de sa BM qui autant en kilo qu'en chevaux, représentaient pratiquement le double de ce que j'avais jusque là conduit. J'empochais donc fièrement les clefs et redescendis sur le parking avec le blouson, le casque et les gants du copain, vu que je n'avais plus d'équipement (voir plus haut comme je vous l'avais dit).
Euh… pourvu que j'arrive à la démarrer, sinon la honte…
Heureusement le flat twin démarra au quart de tour. Bon c'est déjà ça !
Je passe la première, accélère prudemment jusqu'à la sortie du parking. Là je devais tourner à gauche dans une rue qui montait, mais au moment de sortir, j'aperçois une voiture. Je freine, attends qu'elle passe, et je redémarre, mais mon élan était coupé et à ce moment là, impossible de tourner, le side part sur la droite, vers la descente.
"Eh side ! S'il te plait, je voudrais aller à gauche ! Side, écoute-moi ! C'est par là, à gauche ! S't'euplait ! S't'euplait ! Euh bon… Comme tu voudras, alors, on va à droite, oui c'est bien aussi à droite…"
La rue descendait et au bout de 50 mètres, il y avait un virage à gauche.
"Eh side ! On va le prendre le virage, hein ? On va pas tout droit, on peut pas ! Dis-moi qu'on va le prendre ! Eh side ! On peut pas faire autrement ! Il faut le prendre le virage, il faut le prendre !"
Là, ça commençait à bien faire, du coup je décidais d'être autoritaire. Non mais alors, qui est-ce qui commande ici ? J'empoignais fermement le guidon et tournait vivement tout vers la gauche...
J'interromps le récit, juste histoire de planter les décors. De l'autre côté du virage, il y a avait un terrain vague délimité par un talus, lui-même bordé par un trottoir. Entre le trottoir et moi il y avait un bus qui arrivait à une vitesse limitée, due à l'importance de la côte. Mais même à vitesse limitée, c'est quand même gros un bus…
Mais reprenons…
Dans ma crise d'autorité face à ce fantaisiste de side-car, la promptitude et l'amplitude du mouvement de guidon eurent deux effets inattendus. D'une part le fameux câble de gaz se coinça déchaînant toute la cavalerie, et d'autre part la trajectoire ne fut absolument pas celle espérée. Je virais donc à 90 degrés, plein gaz, frôlais au passage le nez du bus, montais sur le trottoir et allais planter le side dans le talus.
La BMW avait calé, le car s'était arrêté, s'ensuivit un grand moment de silence…
Je descendis nonchalamment du side comme si de rien n'était, restant le dos tourné au bus et me disant qu'il ne pouvait resté longtemps arrêté là, il allait donc repartir et j'allais rapidement oublier tout ça… Seulement si le bus reparti bientôt, j'eu juste le temps d'entendre la porte s'ouvrir puis se refermer, il avait déposé… quoi... une bombe !
"Aaaah la la la ! Quel malheur ! Mon fils ! Tu es mort ? Tu es blessé ? Tu n'as rien ?"
C'était bien sûr la mère de mon copain, qui à cause du side, du casque et du blouson m'avait confondu avec son fils.
Pendant quelques instants, j'ai parcouru du regard le terrain vague devant moi. "Non, c'est pas possible ! Il doit bien y avoir pas loin un trou, même un petit, un terrier de lapin, un trou de souris, n'importe quoi où je pourrais disparaître !"
Hélas non, il fallait assumer, j'enlevais le casque et me retournais.
"Ah c'est toi, j'avais cru que… ah bon, ben je préfère alors…"
Et tandis que rassurée elle tournait les talons, je bredouillais en vrac quelques… "Euh, c'est-à-dire que, enfin, vous voyez, euh…".
Pour bien avoir une idée de la scène, il faut ajouter aussi que la mère de mon copain était le prototype parfait de la Mama Juive telle qu'on la voit dans les films comiques… (Imaginez le monologue à sa sortie du car avec le débit, le volume sonore et les mots…)
Restait plus qu'un petit détail à régler avant d'en terminer avec cette histoire. Laissant le side planté dans le talus, je remontais rapporter les clefs à mon copain.
J'arrivais donc dans l'appartement, passait d'un air totalement décontracté devant la petite blonde et tendis les clefs au copain en lui disant le plus innocemment du monde :
"Tu sais, tu devrais faire quelque chose pour le câble de gaz, ça ne va pas du tout, un jour tu va finir par te planter ! Au fait, je t'ai garé le side là bas. Allez salut !"
