Pour trouver l'usine, ce n'est pas bien compliqué puisqu'elle est située .................... via DUCATI !
Et comme elle occupe tout un coté de la rue, on ne peut pas la rater :
Elle est située dans le quartier de BORGO PANIGALE (d'où le nom de la dernière hyper-sportive de la marque), et pour les incultes qui n'auraient pas reconnu les dessins sur les murs, il suffit de savoir lire car c'est comme le Port Salut, c'est écrit dessus (et en assez gros en plus !:lol: )
Pendant la visite de l'usine, les photos sont interdites, ça commence mal !
J'ai été surpris par l'absence de robot (seules les opérations de rectification des vilos et des carters venant de la fonderie voisine sont exécutées par des machines automatiques à commande numérique).
Sinon, chacun monte son moteur ou habille sa partie cycle dans une atmosphère de calme et où on ne note aucune apparence de stress ou de fébrilité.
Est-ce du à la présence de plus de 30% de personnel féminin sur les chaînes d'assemblage ?
Après la visite guidée de l'usine et en attendant celle du musée, en me penchant par la fenêtre j'ai aperçu le parking du personnel : tous les ouvriers qui viennent bosser à moto ont une DUCATI,
En revanche, les cadres roulent en grosse berline allemande : normal, depuis 2012 DUCATI appartient à AUDI/VOLKSWAGEN !:o
Lorsqu'on pénètre dans le musée on aperçoit au loin une enfilade de motos ....................
..........mais ce qu'on aperçoit dans les vitrines n'a rien à voir avec la moto !
Eh oui, BOLOGNE est la ville d'origine de Gugliemo MARCONI, qui y a développé le principe et le fonctionnement de la radio : c'est donc tout naturellement que les trois frères DUCATI y ont fondé en 1926 une fabrique de composants radio.
Par la suite, ils se sont diversifié pour fabriquer des machines à calculer, des rasoirs, des appareils de projection cinématographiques .........................mais toujours pas de motos.
Ce n'est qu'après la guerre que les besoins du pays poussent les frères DUCATI à concevoir et produire un petit moteur à quatre temps :le Cucciolo (chiot) destiné à équiper une bicyclette : c'est la première "moto" qu'on trouve dans le musée, restaurée à neuf jusqu'au dernier boulon.
C'est aussi la seule "moto" de route qui y figure car l'esprit de "competizione" bouillonne dans le sang italien.
C'est donc tout naturellement que ce moteur auxiliaire, boosté par un allumage magnéto, un gros carbu et un pot de détente, se retrouve dans une partie cycle plus adaptée pour participer aux compétitions de ville à ville de l’époque : celle là est resté dans son jus d'époque :
Et c'est à ce moment là qu'est arrivé dans l'entreprise Fabio TAGLIONI, un jeune ingénieur plein d'idées nouvelles qu'il a immédiatement mises en pratique en dessinant le moteur de la DUCATI Mariana :
On y trouve déjà tous les ingrédients caractéristique du mono DUCATI : les carters rondouillards reconnaissables au premier coup d’œil, l'arbre à came en tête, l'entraînement par arbre et couple conique......................mais pas encore de distribution desmodromique puisque les ressorts de soupape en épingle sont encore à l'air libre et bien visibles sur la photo.
La compétition comme moteur des ventes pour une entreprise, ça passait à cette époque (1956) par la chasse aux records de vitesse et, comme aujourd'hui sur le lac salé de BONNEVILLE aux USA, il y avait tellement de catégories qu'il suffisait de modifier un détail pour battre plusieurs records avec le même engin.
C'est ainsi que le "cigare" au carénage en alu baptisé SILURO (comme le poisson), s'est approprié cette année là pas moins de 46 records du monde à MONZA :
Le pilote est complètement enfermé dans la structure et, s'il dispose à priori de petites trappes basculantes pour sortir les pieds avant l'arrêt, c'est tellement exiguë que dans la pratique, ça paraît impossible à faire.
Les vidéos diffusées dans le musée montraient d'ailleurs les mécaniciens qui courraient à coté de l'engin pour le maintenir en équilibre jusqu'à ce qu'il s'arrête pour qu'il ne se couche pas sur le côté.
Ce moteur fut le premier à être équipé d'une distribution desmodromique qui utilise des basculeurs et des cames supplémentaires à la place des ressorts pour rappeler les soupapes, évitant leur affolement et permettant des régimes beaucoup plus élevés sans aucun souci mécanique de distribution.
Elle a très rapidement été utilisée sur les motos de série et caractérise encore aujourd'hui tous les moteurs DUCATI : le 250 mono en est la parfaite illustration :
C'est alors qu'est arrivé dans l'équipe un jeune pilote anglais qui a connu ses premiers succès au guidon de la 250 de la marque mais qui a remporté bien d'autres victoires ensuite puisqu'il s'agit de Mike HAILWOOD (que l'on voit au second plan sur les photos ci dessous) :
A noter qu'à cette époque les DUCATI de course n'étaient pas encore rouges (couleur qui deviendra obligatoire pour les véhicules italiens dans les compétitions internationales, de même que le vert pour les anglaises, le bleu pour les françaises et le gris argenté pour les allemandes).
Celle-ci arbore en plus le "cavalino rampante", le cheval cabré emblème de l'écurie FERRARI, TAGLIONI ayant beaucoup d'admiration pour le personnage qui avait lui même emprunté ce logo à l'escadrille d'un as de l'aviation italienne de la première guerre mondiale.
Le moteur dessiné par TAGLIONI pour cette moto comporte trois ACT (un pour les soupapes d'admission, un pour celles d'échappement et celui du milieu pour la commande desmodromique de rappel des soupapes) :
Les trois exemplaires survivants (sur moins d'une dizaines construits) sont encore au musée, le troisième étant visible sur une autre moto exposée et qui est restée dans l'état où elle a fini sa dernière compétition !
Mais déjà à cette époque, la classe reine était les 500 avec un autre constructeur italien qui gagnait tout avec ses trois cylindres : MV Agusta.
TAGLIONI s'est donc attelé à la conception d'un moteur de ce type mais avec des solutions inédites et très (trop ?) modernes pour son époque : double ACT entraînés par courroies (avec un angle très fermé pour les soupapes) quatre soupapes et deux sorties d'échappement par cylindre et une injection mécanique.
Trop moderne pour son époque, avec des technologies imparfaitement maîtrisées (injection), ce moteur ne fonctionna jamais convenablement, ne fut jamais utilisé en course et je crois que cet exemplaire est le seul qui existe encore.
C'est donc avec un vtwin construit à partir de deux monos que DUCATi participa à la catégorie 500 des GP (sans grand succès malgré ses 72 CV et son régime de 11000tr/mn ! ).
Est apparue ensuite la catégorie Superbike 750 dont les courses devaient se dérouler avec des machines dérivées de la série, permettant ainsi aux constructeurs de mettre en avant leur modèle phare.
L'épouvantail de l'époque était la 750 four HONDA à quatre cylindres qui venait de gagner la première épreuve : les 200 miles de DAYTONA en Floride.
DUCATI venait de commercialiser sa 750 GT avec un moteur bicylindre en L dérivé de sa 500 de GP.
Quatre motos de courses furent construites avec ces moteurs et des cadres conçus et fabriqués par le spécialiste anglais de l'époque Colin SEELEY pour disputer la première épreuve européenne de cette nouvelle catégorie : les 200 miles d'IMOLA.
L'usine engagea pour quelques courses le pilote britannique Paul SMART qui gagna l'épreuve avec cette moto, assurant ainsi un très grand succès commercial à la machine de série.
la moto qui est au musée est celle là même de la victoire dans son jus.
En reconnaissance de ce succès retentissant, l'usine offrit la moto à son pilote.
lorsqu'il fut envisagé de construire le musée, le seul exemplaire subsistant de ce modèle emblématique était celui de Paul SMART qu'il accepta de prêter pour une durée indéterminée au musée.
En échange et tant que la moto restera au musée, il peut choisir pour son usage personnel la moto qu'il veut en sortie de chaîne autant de fois qu'il le souhaite.
Pas mal non ?
A noter que les exemplaires construits pour cette course différaient uniquement par des détails : celle du vainqueur disposait d'une bande non peinte sur la hauteur du réservoir polyester, visible sur la photo et permettant d'un seul coup d’œil de voir le niveau de carburant.
Le pilote maison, l'italien Bruno SPAGGIARI, disposait de la même moto et était en tête à deux tours de la fin de la course quand il dut ralentir, victime de coupures d'alimentation, et finit second derrière Paul SMART.
Son réservoir n'était pas complètement rempli au départ et les mécaniciens ne s'en étaient pas aperçus car son réservoir ne possédait pas la fameuse bande translucide.
Depuis cette mésaventure, toutes les DUCATI de course à réservoir polyester sont équipées de ce type de dispositif !
Une autre moto mythique est exposée dans cette salle.
Elle a permis à Mike HAILWOOD de gagner le Tourist Trophy sur l'ile de MAN pour son retour à la compétition moto, dix ans après sa dernière saison (il a fait de la F1 pendant ce temps) et plus de 20 ans après ses premiers succès sur la 250 de la marque.
Toujours sur la base du bicylindre en L à couples coniques, cette moto de 900 cc était préparé par l'atelier NCR et engagée par l'importateur anglais(l'usine la soutenait discrètement car elle ne croyait pas vraiment à la compétitivité de Mike Hailwood après 10 ans d'inactivité moto)
Mais une fois de plus, DUCATI a su exploiter commercialement de manière très habile cette victoire en mettant sur le marché une réplique de la moto victorieuse : la 900 MHR (pour Mike Hailwood Replica);
Aujourd'hui ces modèles (et les 1000 qui leur ont succédé) se négocient à des prix vertigineux !
Parallèlement TAGLIONI continue ses recherches et conçoit un quatre cylindres 1300cc de même architecture que les vtwins pour équiper un modèle destiné à la police américaine pour remplacer ses HARLEY : la DUCATI Apollo.
Malheureusement, la puissance du moteur et le poids de la moto (alourdie par l'équipement spécifique police US) martyrisent tant les pneus qu'aucun manufacturier ne peut proposer un modèle suffisamment endurant pour passer les tests draconiens de l'administration américaine et le projet est abandonné.
Un exemplaire complet se trouve aux USA (visible en photo à l'arrière plan) et ce moteur est le seul existant.
Le twin à couple conique est en fin de développement et TAGLIONI, sans abandonner l'architecture en V à 90°, ressort son idée de courroie d'entraînement des ACT (le trois cylindres à injection évoqué plus haut) pour créer un moteur en V à la distribution (toujours desmodromique) entraînée par courroie crantée : c'est le 500 PANTAH, vite réalésé à 600 et décliné ensuite en 750 puis 900 et enfin 1000 pour équiper les MULTISTRADA et encore aujourd'hui le tout nouveau Scrambler.
Quelques motos de course avec ce type de motorisation figurent dans le musée mais elles m'ont si peu marqué que j'ai oublié de les photographier !
Le nouveau championnat du monde superbike donnait un avantage en cylindrée (1000cc au lieu de 750) aux twins par rapport aux 4 cylindres.
Mais le moteur DUCATI n'était pas assez performant malgré cet avantage face aux 4 cylindres japonais.
Le vieux TAGLIONI a pris sa retraite et laissé la place à un nouvel ingénieur plein d'idée novatrices : Massimo BORDI.
Il a modernisé le bloc à courroies en apportant le refroidissement liquide, le double ACT et l'injection (électronique cette fois-ci) tout en conservant la distribution desmodromique pour en faire le "Desmoquattro"........
............. qui équipera la 851, ancêtre de toutes les sportives DUCATI avant la "Panigale" :
Cette moto-laboratoire donnera naissance à la 851 qui permettra à DUCATI de remporter son premier titre superbike avec le français Raymond ROCHE :
suivi de deux autres avec Doug POLEN et la 888, très voisine mais à la cylindrée supérieure pour accentuer l'avantage par rapport aux 4 cylindres :
et c'est là qu'est arrivé dans l'entreprise un designer de haut niveau, un autre Massimo : Massimo TAMBURINI.
TAMBURINI, c'est le "TA" de BIMOTA, autre marque italienne qui assemblait des motos sublimes avec ses propres cadres, des composants très haut de gamme et des moteurs japonais puis DUCATI.
Le très haut niveau de qualité et les performances étaient au rendez-vous..............mais les prix aussi et la marque a fait faillite .
Et les deux Massimo (BORDI et TAMBURINI) ont créé ce qui reste pour moi encore aujourd'hui la plus belle moto du monde : la DUCATI 916
Le même TAMBURINI, parti sous d'autres cieux à récidivé ensuite dans le sublime en dessinant la MV F4, excusez du peu !
Pendant ce temps, la 916 et ses descendantes (996 et 998) ont continuer à enfiler les titres de championnes du monde comme on enfile les perles, pas moins de six en huit ans !
Elles figurent toutes dans le musée :
les suivantes ne seront pas en reste non plus (999,1098) avec encore cinq championnats du monde et un exemplaire de chacune figure aussi au musée :
Dans une salle contiguë figure ce qui représente à mes yeux à la fois une incongruité et un coup de génie mécanique du même Massimo BORDI : le 600 DUCATI supermono :
L'esthétique est plutôt moche à mon gout : TAMBURINI est parti et à laissé la place au sud-africain Pierre TERBLANCHE qui dessinera les dernières 900SS et le premières Multistarda
Mais son moteur est étonnant.
Pour disputer le championnat des monos très suivi en Italie, DUCATI ne disposait pas de motorisation.
Le twin en V à 90° desmoquattro est parfaitement équilibré de part son architecture et donc complètement exempt de vibration. Cela lui permet, associé à la distribution desmo, de tourner très vite sans problème.
BORDI est parti du principe que si on enlève un cylindre en gardant le même équipage mobile, on obtient un mono qui garde les qualités du moteur originel avec les spécifications exigées par le règlement du championnat !
Fallait oser..........mais ça fonctionne, et plutôt bien : 85 cv à 11500 tr/mn pour un mono de 600, ça cause !
On voit très bien sur le moteur exposé au musée la bielle arrière reliée à une sorte de balancier d'équilibrage qui reproduit le poids du piston pour garder l'équilibre et la régularité de fonctionnement du twin.
DUCATI en a produit une douzaine (dont un est arrivé en France pour Stéphane CHAMBON) mais on en voit beaucoup plus dans les roulages d'anciennes : beaucoup ont suivi le même raisonnement en démontant le cylindre arrière d'un twin et en obstruant le trou dans le carter................mais ceux que j'ai vus marchaient quand même beaucoup moins bien que les vrais !
Dans la dernière salle du musée figurent les modèles qui représente le sommet de la compétition moto : les DESMOSEDICI de moto GP.
Même si cela ne se voit pas sur ma photo, DUCATI a du modifier le rouge de ses bolides à cette occasion : avec l'apparition des caméras électroniques pour les retransmissions télé, les premières paraissaient roses !:lol:
La aussi DUCATI a été champion du monde (avec Casey STONER en 2007), mais ils ont du pour cela abandonner la spécificité emblématique des premiers modèles (cadre treillis tubulaire et distribution desmodromique) pour s'aligner sur la concurrence (cadre poutre en alu et distribution à rappel pneumatique des soupapes).
Le V4 n'en demeure pas moins une superbe pièce de mécanique que l'on peut admirer sous toutes les coutures sur son présentoir :
Comme le musée est un immense couloir circulaire, quand on sort de cette salle, on se retrouve devant le Cucciolo du début de la visite et on n'a qu'une envie, faire une deuxième fois la visite !
C'est ce que j'ai fait en réalisant une petite vidéo .
Outre les merveilles qu'il renferme, ce musée fait une place importante aux hommes (ingénieurs, mécanos et pilotes) qui ont permis la réalisation de tous ses exploits.
Par ailleurs, on peut s'approcher très près des motos et tourner autour, voire les toucher (aucune entrave pour s'approcher et du personnel bienveillant.
En outre, comme la visite (guidée s'il vous plait !) ne se fait que sur rendez-vous, les places sont limitées et nous étions moins de vingt dans tout le musée : autant dire que j'avais l'impression d'avoir toutes ces merveilles pour moi tout seul.
C'est pourquoi je vous recommande vivement cette visite si vous êtes dans la région.
Et tant qu'on est dans la mécanique, faites comme moi et complétez votre journée par la piqure de rappel que constitue la visite du musée FERRARI qui se trouve à MARANELLO, à moins d'une demi-heure de l'usine de Borgo Panigale !
